Les thérapies immunitaires ont ouvert une nouvelle ère pour le traitement des cancers. L’administration de lymphocytes T du patient, reprogrammés pour reconnaître et tuer les cellules cancéreuses – connus sous le nom de cellules CAR T (pour Chimeric Antigen Receptor T) – a rencontré un franc succès dans le traitement des cancers hématologiques. Cependant, ces thérapies cellulaires ne sont pas toujours efficaces contre les tumeurs solides. Divers essais semblent montrer que les cellules CAR T éprouvent des difficultés à pénétrer certaines tumeurs, ce qui entraîne des échecs thérapeutiques difficiles à prédire. En effet, aucune technique d’imagerie actuelle ne permet de vérifier l’infiltration effective de ces cellules dans les tumeurs, condition nécessaire pour qu’elles agissent contre les cellules tumorales ciblées. Un travail collaboratif impliquant CNRS Ingénierie (MSCmed), CNRS Biologie (IPBS et Institut Cochin), CNRS Chimie (LCBPT), l’Inserm (PARCC et Institut Cochin), et Université Paris Cité, a montré qu’une introduction spontanée de nanoparticules magnétiques dans ces cellules CAR T permet à la fois de suivre ces cellules par IRM et de les manipuler pour les aider à mieux pénétrer à l’intérieur des tumeurs solides.

Les nanoparticules d’oxyde de fer, synthétisées par un procédé vert, peu coûteux et industrialisable, s’internalisent en moins de deux heures dans les cellules T par simple incubation et n’affectent pas les capacités des cellules CAR T à migrer, à reconnaître l’antigène tumoral, et à s’activer pour tuer les cellules malignes. Grâce aux nanoparticules, les CAR T deviennent magnétiques, visibles sous forme d’un signal noir par IRM, et peuvent être attirées par un aimant. Les chercheurs ont montré qu’il est possible, après injection chez des souris porteuses d’une tumeur sous-cutanée, de visualiser par IRM la cinétique de leur distribution dans l’organisme et leur infiltration dans la tumeur, jusqu’à plusieurs semaines après administration chez le même animal. Cette technique d’imagerie non invasive montre que les cellules CAR T ciblant l’epidermal growth factor receptor (EGFR) surexprimé sur les cellules tumorales migrent plus rapidement et en plus grand nombre dans la tumeur que les cellules non modifiées génétiquement, ce qui induit une meilleure régression tumorale. De plus, un aimant placé sur la tumeur juste après l’injection intraveineuse des cellules permet d’attirer les cellules T dans la tumeur plus précocement que par leur migration spontanée. Ainsi, le ciblage magnétique augmente l’effet antitumoral des CAR T qui pénètrent mieux dans la tumeur, comme le montre le suivi par IRM.

Le marquage cellulaire des CAR T, leur suivi par IRM, et/ou leur guidage magnétique, sont suffisamment simples pour être intégrables dans le schéma thérapeutique et ainsi être rapidement appliqués en clinique. Ces technologies pourraient permettre d’identifier précocement les patients sensibles ou résistants à des immunothérapies cellulaires en vérifiant, au fil du temps, l’infiltration des CAR T dans des tumeurs solides. De plus, le procédé d’attraction magnétique pourrait être proposé pour augmenter l’efficacité du traitement chez des patients et pour différents types de cancers pour lesquels les thérapies à base de CAR T restent inefficaces.

Schéma de principe de la méthode. Des cellules chargées magnétiquement sont injectées aux souris (à gauche). Le magnétisme des cellules les rend détectables par IRM pour un suivi de leur distribution plusieurs semaines après injection (en haut). Un aimant appliqué de façon externe aide les cellules magnétiques à pénétrer dans la tumeur et augmente leur action antitumorale (en bas).

Référence : In Vivo Monitoring and Magnetically-Enhanced Delivery of CAR T-Cells to Solid Tumor. Huan Chen*, Alice Machado*, Dongjie An, Sonia Becharef, Gwennhael Autret, Dmitry Ayollo, Sarah Razafindrakoto, Philippe Nizard, Florent Carn, Yun Luo, Frédéric Pendino, Claire Mangeney, Jelena Kolosnjaj-Tabi, Emmanuel Donnadieu*, Florence Gazeau*. Advanced Functional Materials, 2024.

L’article est disponible en accès libre à l’adresse:

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/adfm.202414368

Contact :

  • Florence Gazeau, florence.gazeau@u-paris.fr, Laboratoire Matière et Systèmes Complexes (MSCmed), Université Paris Cité, CNRS, Paris, France
  • Emmanuel Donnadieu, emmanuel.donnadieu@inserm.fr, Université Paris Cité, CNRS, Inserm, Institut Cochin, Équipe Labellisée Ligue Contre le Cancer, Paris, France