Fluides Complexes et Écoulements Capillaires
DSHE
Les sujets de recherche de cet axe portent sur la rhéologie de fluides complexes, le mouillage dynamique de suspensions, la prise en glace des interfaces, ou le mouillage en présence de changement de phase et sur substrats complexes, texturés ou mous, en utilisant des moyens techniques tels que l’imagerie rapide, la microscopie à champ lointain et la salle blanche de l’université. L’étude de la micro et nanorhéologie de fluides biologiques est aussi incorporée dans cet axe.
Mouillage de suspensions
Il s’agit de l’étalement de gouttes de suspensions granulaires iso-densité pour des suspensions mono et bi-disperses. La relation entre l’angle de contact dynamique et la vitesse de la ligne de contact est similaire à celle d’un fluide simple, malgré la complexité introduite par la présence de particules. Une viscosité apparente de mouillage des suspensions peut être définie qui diffère de celle mesurée dans le volume.
Participants :
Elisabeth Guazzelli, Matthieu Roché, Laurent Limat.
Thèse d’ Alice Pelosse
Mouillage sur Substrats Mous
Le mouillage est étudié depuis longtemps, en particulier lorsque le solide en question est très rigide. La situation diffère lorsqu’un liquide mouille un solide mou (typiquement un gel de silicone). En particulier, nous étudions les conséquences de la déformabilité du solide et de sa capacité à dissiper de l’énergie avec celle du liquide sur le mouvement des lignes de contact, des gouttelettes et des films.
Participants :
Julien Dervaux, Laurent Limat, Matthieu Roché.
Thèses de Mathieu Oléron et d’Anthony Varlet.
Légende: Formes de gouttes pendant leur dévalement sur un substrat viscoélastique déformable. La
dissipation passe d’une isodistribution entre solide et liquide (colonne de gauche) à une distribution
uniquement dans le solide (colonne de droite). Barre d’échelle : 2 mm
Mouillage sur substrats froids
Ce sujet de recherche porte sur le couplage de la solidification d’un liquide avec la dynamique de la ligne de contact, par exemple lorsqu’une ligne de contact (eau-substrat-air) se déplace et se solidifie en même temps. Nous avons étudié cette configuration dans le cas d’une goutte déposée ou impactant un substrat froid. Dans le cas d’une goutte déposée, nous avons montré que des cristaux de glace croissent de l’intérieur de la goutte vers la ligne de contact, jusqu’à la rattraper et à la piéger : provoquant l’arrêt de l’étalement. Dans le cas d’une goutte impactant à grande vitesse un substrat froid, nous pouvons prévoir précisément l’influence du gel sur le déclenchement du splash (fragmentation de la goutte) en prenant en compte les effets microscopiques de la présence de glace à la ligne de contact.
Participants :
Philippe Brunet, Julien Dervaux, Axel Huerre, Laurent Limat
Thèses de Rémy Herbaut et post-doctorat de Pierre-Brice Bintein.
Légende : a) Goutte d’hydrogel en train de geler. b) Cristal de glace formé lors de la déposition d’une goutte. c) Gouttes impactant des substrats à deux températures différentes et apparition de la fragmentation.
Mouillage, étalement et morphogénèse de colonies bactériennes
Les micro-organismes ont développé un grand nombre de techniques pour se propager dans l’air, dans des liquides ou sur des surfaces. Une suspension de bactéries à la surface d’un gel est ainsi capable de repousser le bord de la colonie alors que les forces capillaires sont insurmontables par une bactérie unique. Nous avons ainsi découvert qu’elles sont capables de dépiéger des gouttes sur des surfaces inclinées. Nous étudions aussi un autre mode d’étalement d’une colonie —l’essaimage en masse— où la frontière de la colonie est collectivement repoussée en produisant des structures dendritiques. Ce système couple l’hydrodynamique des films minces et la physique hors équilibre de la matière active/granulaire. Nous avons réalisé un
profilomètre qui permet de mesurer les flux de solvant engendrés par les bactéries dans le gel, et simultanément de caractériser les conditions de mouillage sur le pourtour de la colonie. Nous disposons par ailleurs d’un imageur haute résolution et multi-échantillons intégré à une chambre climatique pour suivre la dynamique d’étalement.
Participants:
Adrian Daerr, Julien Tailleur (Théorie), Gaëlle Charron (Physique du vivant).
Thèse de Marc Hennes
Légende : (a) Étalement dendritique de bactéries à la surface d’un gel, depuis un inoculum central. (b) Avant d’une dendrite à fort grossissement, montrant l’interface nette qui délimite l’essaim. (c) Les forces capillaires dominent les forces flagellaires de plusieurs ordres de grandeur.
Écoulements Marangoni
On s’intéresse aux écoulements de Marangoni induits par des tensioactifs hydrosolubles. À MSC, nous avons étudié le mécanisme menant à la génération de motifs de vorticité de surface observés en dehors de ces écoulements. Nous avons montré que ces motifs résultent de la reconnexion de la vorticité produite dans le volume de la couche d’eau sur laquelle les tensioactifs sont injectés. Ce mécanisme est en particulier sensible à la pureté du tensioactif injecté, la présence d’impuretés empêchant l’observation de ces motifs. Nous avons aussi exploré la relation entre la vitesse d’un objet propulsé par une différence de tension de surface entre son front et sa queue induite par des tensioactifs, et les propriétés physicochimiques de ces derniers.
Participants :
Matthieu Roché
Thèse de Gabriel Le Doudic
Tourbillons d’écoulement de Marangoni, provoqué par l’injection continue d’un surfactant à la surface d’un liquide.
Nanorhéologie intracellulaire des globules rouges : vers le suivi de pathologies érythrocytaires
Nous utilisons des rotors moléculaires, sondes fluorescentes de “viscosité” dans les globules rouges et développons une technique de nanorhéologie intracellulaire des globules, là où les techniques classiques de rhéologie et microrhéologie ne peuvent être mises en oeuvre. Dans le cas de pathologies érythrocytaires (coll: M. Marin, Y. Colin Aronovicz, C. Le Van Kim, Laboratoire Biologie Intégrée du Globule Rouge, UMR_S 1134, INSERM et Université Paris Cité,M. de Montalembert (Hôpital Necker)), affectant les propriétés mécaniques et la morphologie des globules, notre approche présente un intérêt pour le suivi clinique de patient.e.s, et pourrait compléter l’ektacytométrie, technique de référence de ces pathologies. Deux preuves de concept montrent que la nanorhéologie intracellulaire permet de quantifier la rigidité des globules rouges sains, variée par température ou inter-donneurs.
Participantes :
Bérengère Abou.
Thèse d’ Alice Briole (2019-2023).
Légende : Nous mesurons l’intensité de fluorescence moyenne du rotor moléculaire contenu dans les globules en épifluorescence (X100) (gauche). La rigidité des globules rouges sains varie par température (milieu) et en fonction de la variabilité inter-donneurs caractérisée par la CCMH (droite). Dans les deux cas, l’intensité de fluorescence du rotor augmente avec la rigidité des globules, fournissant la preuve de concept et démontrant une bonne sensibilité de notre technique. Environ 300 à 400 globules sont imagés par échantillon.
Acclimatation de la couche cuticulaire des fourmis et Anticontamination des avions par les insectes
La couche d’hydrocarbures cuticulaires (CHC) est un matériau recouvrant tous les insectes, et possédant deux fonctions vitales : anti-dessèchement et signal de communication. Grâce à son profil ’CHC’, pouvant contenir plus de 100 hydrocarbures différents, un insecte reconnaît l’espèce, la colonie et le genre d’un individu. Une CHC efficace pour l’étanchéité, nécessitant des hydrocarbures plutôt solides bloquant l’évaporation, ne sera pas optimale pour la communication nécessitant des hydrocarbures plus volatils. En collaboration avec le groupe de F. Menzel (Mainz, Allemagne) et celui d’A.-C. Joël (Aachen, Allemagne), nous étudions chez la fourmi, le lien entre l’acclimatation, les caractéristiques biophysiques (rhéologie, phase) de la CHC et sa composition chimique. Nos résultats expérimentaux nous permettent de construire de nouveaux paradigmes.
Nous mesurons les propriétés viscoélastiques de la couche cuticulaire et fournissons la première preuve expérimentale que la CHC sur l’insecte est biphasique, à la fois solide et liquide, sur une large gamme de températures. Cela vient démentir l’hypothèse qui était communément admise que la CHC est entièrement solide sur l’insecte, passant liquide au-dessus d’une température critique. Nous montrons qu’une couche biphasique permet l’optimisation des deux fonctions, communication et étanchéité. Le fait que cette couche soit biphasique sur une large gamme de température permet la robustesse des deux fonctions par variation climatique. Lors de l’acclimatation des fourmis, nous suggérons qu’il existe ainsi une pression de sélection pour optimiser communication et étanchéité.
Parallèlement, nous avons exploré les propriétés rhéologiques et d’adhésion de l’hémolymphe d’insectes, l’équivalent du sang chez les invertébrés, dans le cadre du projet Européen Clean Sky STELLAR en collaboration avec Airbus. Une de leurs préoccupations est de limiter la contamination par les insectes des bords d’attaque des avions au décollage et à l’atterrissage. Celle-ci entraîne une transition prématurée de la couche limite, conduisant à une augmentation de la traînée et de la consommation de carburant. Au sein du consortium, dans l’optique de proposer des surfaces anticontaminantes pour la sécrétion d’insectes, nous avons mesuré la microrhéologie de l’hémolymphe sur des surfaces sélectionnées pour l’anticontamination, puis mimé l’adhésion d’un insecte sur ces surfaces en soufflerie.
Participante :
Bérengère Abou.